"Le lait et ses transformations ;un élément majeur pour l'alimentation des hommes " par LOIC BERTRAND
Date de la conférence : 17/11/2022
Présentation de la conférence
. LA COOPÉRATIVE LAITIÈRE DE YENNE
D’après document édité en 2021 par la coopérative et les témoignages d’ Alain Chamiot, Alphonse Perrillat,et Loïc Bertrand.
Naissance : le 26 janvier 1951 à Yenne Savoie. 43 éleveurs de 10 communes du canton Sud adoptent les statuts de la coopérative laitière de Yenne dont l’objet est de négocier collectivement le prix du lait
. En 1955, achat de la fruitière POUCHOIX au cœur de Yenne.
On dénombre 495 coopérateurs.
Elle devient une coopérative de production en gestion directe et deux fromagers sont embauchés : Messieurs Rullier et Monachon.
En 1963 : création d’un atelier au lieu actuel à CHAMBUET.
Transformation du lait et vente des fromages en direct.
On fabrique essentiellement de l’emmental (1) et du beurre.
Un élevage de porc nourri au « petit lait » est construit.
On embauche 1 directeur M. Pallud et 3 fromagers : Messieurs Rullier, Morand et François .
Les coopérateurs réunis en assemblée générale nomment les administrateurs qui élisent leur Président et le bureau.
Chaque coopérateur quelle que soit sa production représente une voix.
Les présidents seront nombreux à se succéder.
C’est une tâche qui n’est pas de tout repos.
Citons quelques noms : A CARRON du Bas Saumont, PRAVAZ de St Jean de Chevelu, M puis R GACHE de Yenne, MOREAU, FRISON, JANIN, MICHAUD et à ce jour Loïc BERTRAND du Gaec des Cordiers à St Jean de Chevelu
. De 1968 à 1998 Alphonse PERRILLAT prendra la responsabilité de la production fromagère.
Voir biographie.
Les fusions s’emballent 1968 fusion avec la fruitière de PARVES 1969 - 1970 extension de la porcherie, construction d’une station d’épuration, et fusion avec la coop de NOVALAISE
En 1974 7,15 millions de litres de lait sont collectés et transformés essentiellement en beurre et emmental pour 452 producteurs.
En 1976, Achat d’un camion citerne pour collecter le lait refroidi en tanks installés dans les fermes.
Débute la fabrication de la « tomme de Savoie » suivie en 1982 par le petit montagnard (stoppé en 2020).
La coop laitière d’Etrez (Bresse) fournit le fromage blanc.
Le paiement du lait se fait en fonction de sa qualité bactériologique, de sa composition en matière grasse et protéique.
1986 :
La production de Tomme de Savoie remplace désormais l’Emmental pour améliorer la valorisation du lait.
7,5 millions de litres collectés pour 170 producteurs soit 44 100 litres par exploitation. (notez la disparition de 280 producteurs !
Et par contre-coup la progression de production de ceux qui demeurent !
Et corrélativement le rapport entre ces disparitions et la loi sur les quotas laitiers de 1984).
1987 : entrée de quelques producteurs laitiers de St MARTIN DE BAVEL
Les quotas laitiers qui s’imposent définitivement de 1989 à 2015 maîtrisent drastiquement la production laitière et rendent difficile l’installation de jeunes agriculteurs ainsi que la vie des petites exploitations.
Actuellement, la production est encadrée pour éviter une surproduction.
1990 : fusion avec la coop de SAINT PIERRE DE CURTILLE apportant 400 000 l de lait supplémentaires.
1995 : création de la filière Bio, fabrication de la tommette de Yenne.
Commercialisation du bio en France et Allemagne.
On passe très vite de 400 000 l de lait bio à 2 millions et en 2010 on ajoute la fabrication de raclette.
L’appellation gruyère « DENT DU CHAT » est créée.
Et en 1998 l’unité de fabrication est entièrement refaite
2006 : fusion avec la coop de AYN-DULLIN. apportant 2,3 millions de litres de lait supplémentaires
2010 : le magasin de vente est remis à neuf et un robot de retournement des tommes de Savoie installé.
On innove avec la fabrication du vacherin et de la raclette au lait cru.
En 2012 : arrêt définitif des porcheries de Yenne et d’Ayn précédé par l’ouverture avec la coop du Beaufortain d’un magasin de vente directe à Chambéry puis à Sévrier (74).
Un site internet est créé pour la vente en ligne et un distributeur extérieur automatique.
Depuis 2015, la coop de Yenne est affiliée à 8 autres coop savoyardes de production de Beaufort sous le label « SAVOIE LACTE » afin de traiter le lactosérum et d’en extraire l’ultime résidu de matière grasse (beurre), de matière protéique (poudre de lait) et d’énergie (électricité par méthanisation).
Précision : le petit lait (lactosérum) résidu aqueux très riche en matière grasse, minéraux et protéines servait traditionnellement à nourrir les cochons.
Il est actuellement transporté à l’unité de transformation d’Albertville et transformé comme décrit précédemment.
Les travailleurs ne sont pas oubliés et de gros investissements ont permis d’améliorer les conditions de travail.
Transporter des bidons de lait, retourner des meules de 40 kg, frotter des tommes en cave.
Tout cela a été automatisé.
La porcherie abandonnée est détruite et une unité de production rutilante, très automatisée, est construite sur le site facilitant grandement le travail.
Elle est en service depuis le printemps 2021.
Le travail de nos paysans éleveurs laitier crée une dynamique économique importante sur le bassin avant pays savoyard et Bas Bugey.
Jugez plutôt :
En 2021, restent 52 producteurs, pour 70 000 litres de laits/jour dont 11 000 litres proviennent des fermiers haut savoyards. 60 % est fabriqué en Tomme, 23 % en Meules de Dent du Chat, 12 % en Raclette et 5 % en divers (tommes à l’ail et ail des ours, cailladoux, bleu de Yenne).
58 salariés à temps plein dont 40 % de femmes.
Répartis comme suit : - 2 entretiens maintenance, électro-mécanicien - 7 administratifs et qualité, - 10 vente en magasin + un commercial VRP - 4 fromagers et 8 aides fromagers, - 10 employés à l’affinage, - 10 employés à l’expédition, - 5 chauffeurs, - 1 agent d’entretien, - 1 directeur.
Depuis le BVE N°1, vous connaissez toutes les fermes de Parves et Nattages qui participent à la production de la coop de Yenne, laquelle assure à ses producteurs laitiers un revenu décent.
Il n’y a plus de secret pour vous quant à la transformation du lait grâce aux explications de l’ article du BVE N°5.
Vous êtes certainement des consommateurs fidèles du magasin de Yenne.
Vous voilà maintenant savants.
LE RÔLE DU PRÉSIDENT
Le rôle du président est primordial et représente 2 journées de travail par semaine.
Il est assisté du vice-président Régis Damian et du secrétaire Gilles Magnin et partage les décisions importantes avec les membres du bureau et du conseil d’administration, tous coopérateurs.
Il veille à mettre en place les orientations adoptées en AG.
Il travaille à la gouvernance de l’entreprise en relation étroite avec la Direction dans le souci constant de l’intérêt de tous les coopérateurs.
La préoccupation première est d’optimiser le fonctionnement pour valoriser au mieux les apports de lait.
Et le challenge est atteint à Yenne puisque le prix du lait payé est supérieur de 80 € / 1000 litres dans la zone de référence IGP Tomme Emmental Raclette.
Loïc Bertrand a été choisi à l’unanimité par son bureau et l’assentiment positif des coopérateurs.
Nous allons faire connaissance avec cet homme dynamique et passionné originaire des Côtes d’Armor en Bretagne
Loïc à 53 ans il est père de 2 grandes filles.
Il a un bac + 3, un BTS agricole et une licence de droit et fiscalité agricole.
En 1995, il intègre le Gaec des CORDIERS à St Jean de Chevelu. Cette ferme, avec le Gaec de CRENE à St Pierre de Curtille, avaient depuis 10 ans entamés une conversion à l’agriculture bio et venaient de s’entendre avec la coop laitière de Yenne pour lancer la filière.
Loïc, dans son emploi en Loire Atlantique, venait de participer à la création du groupement BIOLAIT.
Il s’est donc pleinement impliqué dans cette nouvelle aventure pour la ferme et pour la coop de Yenne.
La suite prouve que ces deux GAEC pionniers avaient mis le nez dans le bon sens du vent.
Ils sont suivis par d’autres dont le Gaec de Sorbier à Parves et Nattages.
Le GAEC des CORDIERS travaille 140 ha de pâtures, et céréales auto consommées.
Il commercialise aussi de la viande en direct.
90 vaches laitières de race Tarine produisent 450 000 litres de lait chaque année.
Deux autres associés Damien Penhouët et Charly Chaumon ainsi que Nathan, fils de Charly (salarié) travaillent sur cette ferme. Aucun n’est originaire de Savoie mais tous trois de l’Ouest de la France.
Ils ont tous suivi des études en agriculture et agronomie de haut niveau.
Au terme de cette enquête je remercie Loïc qui m’a consacré un temps serein, patient, éducatif.
Il a répondu très pédagogiquement à mes questions.
Il m’a conduite dans cette unité de fabrication toute automatisée, dans ces caves d’affinage impressionnantes de longueur et hauteur, aux robots précautionneusement actifs.
Visite passionnante dont je me sens privilégiée et dont il est difficile de rendre la richesse et surtout l’aimable disponibilité et érudition de ce Président assurément très fier de sa coopérative qui a su valoriser notre région agricole grâce aux engagements généreux et au labeur de tant d’hommes qui ont précédé.
- 1 - Petit cours sur nos fromages par Loïc.
Les appellations
Aujourd’hui, les 2 Savoie comptent 8 appellations fromagères : le Beaufort, le Reblochon, l’Abondance, la Tome des Bauges, la Tomme de Savoie, la Raclette de Savoie, l’Emmental de Savoie en lait de vache et le Chevrotin en lait de chèvre.
Un cahier des charges définit les conditions de production du lait, de transformation et d’affinage du fromage et la zone géographique délimitée pour chaque produit.
Et c’est cette reconnaissance par l’INAO qui protège nos spécialités, permet de préserver notre agriculture sur nos territoires de montagnes et garantit au consommateur une authenticité.
Le Reblochon depuis 1958 et le Beaufort depuis 1968 ont été précurseurs pour préserver leur savoir-faire.
A l’époque, toutes les fruitières spécialisées en Emmental n’ont pas jaugé l’importance de cette protection.
20 ans après, elles fermaient les unes après les autres car la production d’Emmental a été industrialisée dans les grands bassins laitiers de l’ouest et du nord de la France pour faire un fromage râpé, ingrédient de multiples recettes.
Cette concurrence ne permettait pas de couvrir les contraintes de production dans nos territoires escarpés et dans nos petites fromageries vieillissantes.
Les coopératives qui ont diversifié en Tomme de Savoie (comme Yenne) ont survécu et accueilli par fusion les structures qui fermaient.
Ce n’est que depuis le milieu des années 90 et 2000 que la distinction de l’Emmental, de la Tomme et de la Raclette ont permis de marquer les produits du mot SAVOIE et de faire reconnaître la qualité supérieure qui redonne la plus-value nécessaire à notre lait.
L’implication de nos producteurs dans leur appellation et leur coopérative est primordiale pour en faire des filières équitables et durables.
PETIT ENTRETIEN AVEC ALPHONSE PERRILLAT FROMAGER (juin 2021
) Comme son patronyme le laisse pressentir, Alphonse Perrillat est né au Grand Bornand.
En 1939. Il a suivi ses études de fromagerie à l’ENIL de la Roche sur Foron comme Julien Berlioz (voir BVE 5).
Un de ses premiers postes dans notre région fut la fruitière de Thézillieu en haut Bugey.
Il arrive à Yenne en 1968 embauché comme contre-maître jusqu’en 1999 date à laquelle il prendra sa retraite après 31 années passées à développer la coopérative et à innover.
C’est bien lui qui par un travail acharné donna sa notoriété à cette grande coopérative.
Il jouit d’une retraite active à Yenne où il habite avec son épouse Huguette qui fut l’accueil bienveillant, chaleureux au magasin de vente jusqu’en 2019.
Leur deux filles et leurs petits enfants vivent également dans la région.
Alphonse pratiquait l’équitation, le cyclisme et maintenant il s’occupe de ses abeilles.
Il joue aux cartes au club des aînés.
Il dit : « j’ai beaucoup travaillé, j’ai disposé de peu de temps pour mes loisirs.
La coop de Yenne fut une belle aventure.
J’étais dedans, je suis resté.
Depuis que j’ai pris ma retraite, j’ai pu faire tout ce qui me plait. »
Après son départ A Perrillat fut remplacé par M. Heri qui fut remplacé par M. Boisse décédé trop tôt et très regretté de tous.
C’est M. Dumollard qui occupe actuellement le poste de direction.
Longue vie à cette belle entreprise.
Enquêtes réalisées entre juillet et octobre 2021. PLJ
Résumé du conférencier
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