Lilia HASSAINE – Soleil amer présenté par FRANCE FORTUNET
Catégorie : LECTURE
Lilia HASSAINE – Soleil amer, Gallimard, 2021
Après des études littéraires, elle fait une formation de Journaliste (Institut français de la presse – 2015)
Après divers stages dans la presse écrite (Le Parisien, Le Monde) elle se tourne vers la TV comme chroniqueuse : Arte puis l’émission « Quotidien » avec Yann Barthès en septembre 2017.
Elle travaille d’abord dans les coulisses puis sur le plateau en présentant « Le Zoom »
- L’aventure se termine en septembre 2022 à la suite d’ un conflit avec Pascal Praud, journaliste sportif qui l’accuse de manipulation de l’information (elle avait mis en cause l’attitude des médias au sujet des évènements du Stade de France le 31 mai 2022).
Elle part en 2022 pour se consacrer à l’écriture
Depuis septembre 2024, elle anime l’émission Etcoetera (ex La librairie francophone) sur France Inter le samedi à 14h.
Ses écrits :
2019 : « L’œil du paon » Gallimard, (se méfier des apparences)exil d’une jeune croate à Paris où elle devient photographe.
2021 « Soleil amer » (sujet de l’intégration des Algériens en France après 1960) qui la conduit à la finale du Goncourt 2021
Août 2023 :
« Panorama » : Prix Renaudot des lycéens.
Le roman emprunte son titre au poème d’Arthur Rimbaud (Le Bateau ivre); le même poème est glissé dans le cercueil d’Amir.
1959-1997en 3 décennies – en toile de fond une cité H.L.M. entre 2 escales à Djemila
Il est construit sur une superposition d’histoires : une histoire familiale (Saïd, Naja et leurs filles), l’histoire de l’immigration nord-africaine et plus particulièrement algérienne (elle est de la 3e génération), de l’histoire des relations entre la France et l’Algérie avec ses morts et ses victimes : les harkis (comme Ahmed), le père tué dans les émeutes de Sétif en 1945 ; et de tous ceux qui ont été engloutis par la Seine le 17 octobre 1961
Et aussi une histoire plus générale : dégradation des cités qui passent du stade de modèle de l’habitat social dans les années 60 à n’être plus que des ilots de pauvres, le pourrissement des jeunes par la drogue, l’ épidémie du sida dans les années 80
Se greffe sur cet empilement un élément romanesque avec la grossesse de Naja et la naissance des jumeaux, que tout sépare dans leur aspect physique et leur état de santé dès la naissance ; et qui vont l’être entre 2 femmes et 2 familles., 2 lieux, 2 cultures (p. 105 comme l’exprime Eve lorsqu’elle sort du coma et retrouve Daniel
« Eve avait un fils français, on lui avait rendu un enfant arabe »
Le Style est sobre, les phrases courtes, remarques incisives
« ceux qui parlent le moins sont ceux qui en disent le plus »
enfin l’essentiel est dit
Le récit est parfois conduit comme une intrigue policière : gilet du bébé offert à Naja par Eve, belle-sœur ,au début de sa grossesse.
- Une photographie « Hélène », 1955
- Une carte d’anniversaire de la clinique des Lilas pour les jumeaux
- Une mystérieuse DS rouge
Le roman est écrit en un lieu : Djemila et on va effectuer une boucle d’un demi-siècle :1959
- de la tempête de sable à Djemila à la promenade dans les mêmes ruines en 1997, où Daniel découvre l’Algérie avec sa femme et ses filles, en ayant le sentiment d’être dans une faille spatio-temporelle où plusieurs moi cohabitent, l’espace d’un instant.
Personnages
Des personnages en contraste des femmes majestueuses , de toute origine qui se serrent les coud en mangeant des gâteaux Le couple Naja- Eve, les 2 mères des jumeaux, tout à la fois complices et insatisfaites. 3 filles avec 3 destins différents, en quête de bonheur.
Des hommes dominés qui fuient ( dans l’alcool pour Saïd, dans le travail pour Kader) et qui se raccrochent à leurs traditions faute d’autre espoir (un fils ?)
Remarques : Thème de la gémellité ambivalent : double ou conflit ?
2 identités dans la différence Amir, « le prince » c’est la part fataliste de Naja, avec ces signes de fragilité et ses espoirs inaboutis. « le bonheur pour elle l’absence de malheurs »
« L’amour, c’est pour les Français ».
C’est donc la part de Daniel qui va être élevé comme un petit français, jusqu’aux vacances en Bretagne.
Le récit est construit sur une dualité irréconciliable , représentée par l’histoire des jumeaux qui vont finir par devenir 2 individus différents, Daniel et Amir, avec juste le temps d’une réunion pendant le séjour d’Eve à l’hôpital où Daniel vient vivre dans la cité, juste le temps que Saïd retrouve un fils.
L’épilogue avec le retour de Daniel à Djemila ; « la route est longue jusqu’à Djemila » atteste de la fin de la séparation et de l’unité retrouvée ,alors qu’il est définitivement seul et entend « mon nom amputé Daniel sans Amir…il l’était pour deux (aimable, doux..)
Je suis devenu un homme, c’est-à-dire un homme conscient de son impuissance.