CREPUSCULE de PHILIPPE CLAUDELprésente par AGNES PERRET

L’AUTEUR

Écrivain, cinéaste français, né le 2 février 62 à Dombasle sur Meurthe, en Meurthe et Moselle , où il vit actuellement.

Licence de lettres modernes, licence d’histoire de l’art, DEUG d’histoire géographie. 

Concours de PEGC, CAPES puis agrégation de lettres modernes.

Thèse de doctorat en littérature consacrée à André Hardellet.

Maitre de conférence en littérature et anthropologie culturelle à l’université de Lorraine. 

Enseignant à l’Institut européen de cinéma et d’audiovisuel, en particulier l’écriture scénaristique. 

A été professeur de français en prison et auprès d’adolescents handicapés physiques.

A publié une quarantaine de livres, ses principaux romans sont traduits dans le monde entier.

Entre à l’académie Goncourt en 2012, est élu président de l’académie Goncourt le 13 mai 2024.

Docteur honoris causa de la Katholieke Universiteit Leuven (2015), membre de l’académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique (2016)

A réalisé son 1e film « il y a longtemps que je t’aime » en 2008, avec Kristin Scott Thomas et Elsa Zylberstein . (César du meilleur 1e film, BAFTA du meilleur film en langue étrangère) 

D'’autres films ensuite : « Tous les soleils » avec Clotilde Courau et Anouk Aimée, « Avant l’hiver » avec Daniel Auteuil , Leila Bekhti, Kristin Scott Thomas, Richard Berry. 

En 2015 « Une enfance » tourné dans sa ville natale, et pour lequel il a eu le Bayard d’or du meilleur scénario au festival de Namur, et le Hugo d’or du meilleur film au festival de Chicago.

Son 1e roman en 1999 « Meuse l’oubli » pour lequel il a été sélectionné au festival du 1e roman de Chambéry.

En2000 « J’abandonne » (prix Roman France Télévisions)

2001 « Le bruit des trousseaux » (son expérience de professeur en prison) 2003 

« Les âmes grises » (prix Renaudot, adaptation au cinéma en 2005 par Yves Angelo, avec Jean-Pierre Marielle, Jacques Villeret, Marina Hands, et Denis Podalydès. 2007 

« Le rapport de Brodeck » (prix Goncourt des lycéens, prix des libraires du Québec, prix des lecteurs du livre de poche.)

2012 « Parfums » (prix Jean –Jacques Rousseau de l’autobiographie) 

2022 « Crépuscule » Nouvelles et pièces de théâtre . Chevalier de l’ordre du Mérite Culturel de Monaco, en 2017.

L’OUVRAGE RÉSUMÉ

Ambiance particulière : Pays non déterminé, plutôt à l’est (samovar, froid), beaucoup d’églises et peu de mosquées.

De l’autre côté de la frontière c’est le contraire, l’Empire surveille (l’Administration Impériale, les 1000 oreilles)

Petite ville aux confins de l’Empire, appelée aussi « pays d’hiver », ou « province perdue »

Époque fin 19e /début 20e (Adjoint recueilli par des cousins en 1872)

Personnages nommés par leur fonction, avec majuscule.

Décrits de façon très imagée et caricaturale.

Personnages principaux : le Policier, vit avec sa femme et ses enfants, dans cette ville depuis 5 ans. O n ne sait pas d’où il vient, il a été affecté là par l’administration Impériale. Sa femme est là pour assouvir ses besoins sexuels, et pour s’occuper des enfants. L’Adjoint vit avec ses chiens.

A été recueilli enfant par des cousins, et maltraité. Lémia, trouve le cadavre avec son frère, vivent avec leur père sabotier, ivrogne depuis que sa femme s’est suicidée.

Meurtre du curé, le corps a été trouvé par 2 enfants, Lémia et son frère.

Le Policier et son Adjoint s’occupent de cette affaire, pour le Policier c’est l’occasion de sortir de l’ennui. 

Quand la ville est au courant du meurtre, l’atmosphère change, et l’Imam pense que les gens vont accuser les musulmans, car ils sont peu nombreux et juste tolérés.

Les autorités (ville T .) envoient un évêque, son secrétaire, le vicaire, et le ministère est alerté. 

Lors de la procession pendant les funérailles du curé, le vicaire s’arrête devant chaque maison de musulmans et crie « repentez- vous ». 

Par la suite, des maisons sont dégradées.

Le Rapporteur de l’Administration Impériale décide de ne se préoccuper que du plus grand nombre, le Policier veut la vérité, mais il se sent sans pouvoir, il comprend que ce qui va compter c’est ce que le pouvoir a décidé. ( discussion sur « quelle vérité » : celle qui est acceptable par la majorité, ou celle qui est au bénéfice d’une minorité ?)

Parallèlement à ça, le Policier se rend compte qu’il est troublé par Lémia, et en a peur. Il l’interroge souvent, sous prétexte d’enquêter. La haine monte, le Médecin pense qu’il faut partir, l’Imam sent qu’il a raison, mais la population musulmane refuse .

Après le départ du Médecin, le Policier se demande si c’est un aveu de culpabilité, il sait que le pouvoir a stigmatisé les musulmans, s’il agit dans le même sens, il en tirera des bénéfices. Du coup il écrit une lettre bourrée d’insinuations, à destination du Commandant à T.

Une musulmane est agressée par un jeune vacher handicapé, ( il déboutonne sa braguette devant elle.) et ses frères torturent le jeune qui en meurt le lendemain. 

Le Rapporteur dit que maintenant c’est lui qui va agir : « votre rôle s’arrête là, le mien commence. » 

Le Policier est invité par le Margrave à une chasse à l’ours. Il est fier, et s’achète une tenue chère et ridicule. Il en oublie sa femme, ses enfants, Lémia, son travail. 

Cette chasse s’éternise, avec repas.

 Pendant ce temps l’Adjoint rencontre une bande d’inconnus, il fouille leurs affaires et découvre des clous de charpentier et des planches .

Il rentre chez lui et est agressé. 

Quand le Policier rentre enfin chez lui, il voit que la mosquée est en feu Dans la matinée il va sur les lieux de l’incendie et est étonné d’y trouver le Commandant. Il comprend qu’il a été utilisé et éloigné sciemment. 

Il écrit le rapport que le Commandant veut. 

Le Policier a changé, il a envie de se pendre.

 Au printemps ses sens se réveillent, sa femme le menace d’un couteau. Il est plein de ressentiment : il n’a pas démasqué le coupable, il s’est laissé imposer l’écriture d’un rapport mensonger, il n’est pas bien considéré .

 Il profite d’un moment où l’Adjoint s’absente pour violer Lémia. L’Adjoint le surprend et le tue. 

Lémia entraine l’Adjoint en dehors de la ville : une tombe, manque une pierre, celle qui a tué le curé.

 Il avait refusé l’église et le cimetière à la maman de Lémia, suicidée, et l’enfant s’était juré de le punir. Tous les 2 sont maintenant liés par un secret. 

Personne n’est affecté par la disparition du Policier. 

L’Adjoint continue de faire des rondes, et d’entretenir le poste. Lémia est mariée et mère de famille.

 L’Adjoint va la voir tous les jours. Sa vie avait mal démarré, mais elle a bien tourné.

LES PERSONNAGES

Le Policier

Pas d’ici, vient d’un endroit avec des saisons, il ne se passe rien, jaloux du commandant qui est dans la ville de T., un endroit plus vivant. Il a de l’autorité même s’il est plus petit que l’adjoint. Les bases de son éducation sont fragiles, il a mal digéré ses lectures. Il évolue tout le long du livre : Il est obsédé par le sexe, sa femme le subit. Quand il se rend compte de son désir pour Lémia, il en a peur. Il pense de plus en plus à Lémia, Il s’imagine même que sa femme va mourir en couches, et qu’il vivra avec Lémia. A la fin de l’histoire, plein de ressentiments il saisit l’occasion d’être seul avec elle et il la viole. 

Avec le meurtre, il se passe enfin quelque chose. 

Veut trouver le coupable. 

Il comprend vite que l’Administration se moque de la vérité, et il se sent sans pouvoir. Et puis ensuite il décide d’agir dans le même sens, en espérant qu’il va en tirer un bénéfice pour lui et sa carrière. Il est encouragé dans cette voie par le Commandant (invité à boire le thé chez le Rapporteur. Fier). Quand il est invité par le Margrave à une chasse à l’ours, il est fier et pense qu’il est bien parti pour que sa carrière évolue. Il en oublie tout le reste, même Lémia. 

Puis il est déçu car sur place il ne voit pas de personnes haut placées. Après l’incendie de la mosquée, il mesure à quel point il a été le jouet de l’Administration. 

Il fait son rapport au Commandant : les musulmans ont été piégés dans la mosquée, la seule issue a été bloquée.

 Le Commandant lui oppose sa vérité : les musulmans ont fuit, ce sont eux qui ont mis le feu pour se victimiser, la ville est maintenant propre. 

Il accepte de rédiger un rapport mensonger. Il entend un rhapsode qui conte l’histoire, et le laisse en liberté en pensant que de cette façon la vérité circulera. Il mesure le chemin parcouru depuis sa période étudiante, il n’a pas su choisir le bon chemin, il faut continuer sur le même. Il a envie de se pendre, il est plein de ressentiments.

La femme du Policier

Soumise. S’occupe de la maison et des enfants. Se rebiffe à la fin de l’histoire, ne veut plus que son mari la touche.

L’Adjoint

Célibataire, bourru, maltraité dans son enfance. Vit avec ses 2 chiens, très propre. Parle aux bêtes, aime la nature. Sensible aux mots, aux phrases, il lui vient des bribes de poèmes aussitôt oubliées. 

Admire les discours du Policier. 

Quand Lémia lui sourit, il en est transformé, ça ne lui est jamais arrivé. Il l’a érigée en sainte, il a une passion muette pour elle. Du coup quand il surprend le Policier en train de la violer, il le tue sans hésiter, il en est estomaqué.

Lémia 

Environ 13 ans. Vit avec son frère et son père. Entretient la maison. Docile avec le Policier, répond à ses questions, mais inquiète aussi. Quand le Policier lui caresse le visage, L’Adjoint arrive à point , elle est tellement soulagée qu’elle lui sourit largement.

Le Sabotier 

Était luthier en ville, mais est devenu sabotier pour vivre avec la femme qu’il aimait. Sa femme s’est suicidée, il parle mal de Dieu qui lui a pris sa femme. Est devenu ivrogne.

L’Imam 

Plein de bon sens, tolérant, sait que les gens vont accuser les musulmans. Plaint le Policier quand celui-ci insinue que le Médecinest peut-être le coupable puisqu’il est parti.

Le Médecin

Musulman, pas d’ici, pas fort dans ses études, c’est pourquoi il est venu dans cette petite ville. (p 42) 

Le Muet, 

simple d’esprit Fédour Bazki A l’habitude de sortir son sexe du pantalon. Quand ça arrive à une jeune musulmane, ses frères le torturent, il meurt, et c’est l’engrenage.

Le Maire Le plus timoré des hommes de la ville, a été choisi maire pour ça. « un magnifique imbécile de l’espèce des dindons » (p 53)

L’évêque 

Age biblique, des souliers de cuir rouge faits pour des lieux raffinés, des parquets cirés. (p102)

Le Vicaire 

Regard et barbe d’un fou, donne des ordres à l’escorte. Vêtu à la façon des moines d’une longue robe de bure, pieds nus chaussés de sandales. Son rôle est de stigmatiser les musulmans, il est capable de galvaniser la foule : A l’église, face à la foule, pousse un long cri, repris en chœur par tous. Puis il impose le silence, et il parle des monstres qui vivent près d’eux, et lors de la procession il s’arrête devant chaque maison de musulmans en criant « repentez-vous », repris en chœur par la foule.

 Le Rapporteur de l’Administration Impériale

 Discours sur la vérité : Quelle vérité, celle acceptable par la majorité, ou celle au bénéfice d’une minorité ? Il fait changer d’avis le Policier. Après la mort de Fédour et la disparition de ses agresseurs, le Rapporteur dit clairement que le rôle du Policier s’arrête là, et le sien commence. 

Le Commandant

 Il est sur les lieux de l’incendie sans avoir été contacté par le Policier, auparavant il était informé par l’Adjoint après plusieurs jours de voyage. Il oblige le Policier à rédiger un rapport conforme à la vérité officielle. ( les musulmans ont fuit et mis le feu) (p 397)

 Le Notaire, 

le Conservateur des archives, les maîtres d’école

THÈMES

Exploration de la nature humaine  manipulation de la vérité instrumentalisation d’un fait pour exclure

PRÉSENTATION DU LIVRE PAR L’AUTEUR

(vidéo de mai 2023,Léman bleu)

 Il a choisi de ne pas trop situer l’action dans l’espace et le temps, car il aime les contes, et les contes permettent toutes les libertés. Invente un empire qui ressemble vaguement à l’empire Austro-Hongrois, la ville est inconnue, le climat isole cette ville. 

L’enquête est un prétexte : dans « l’enquête », « le rapport de Brodeck », « l’archipel du chien », « les âmes grises » on se rend compte que la véritable enquête, la plus profonde, la plus intéressante, c’est celle sur les hommes, sur la noirceur, la complexité de l’humanité.

 On découvre les caractères des personnages tout au long du roman. Il aime prendre des créatures et les retourner comme une peau de lapin. Les apparences peuvent être trompeuses. Les personnages masculins sont rustres, les femmes enfantent, assouvissent le désir des hommes. 

Le personnage du policier est gouverné par ses pulsions sexuelles et en perd de vue ses missions.

 L’auteur a voulu montrer comme les hommes peuvent tomber, pour ne devenir que les jouets ou esclaves de leurs sens. (allusion à Dominique Strauss-Kahn) 

Ce roman qui semble se passer loin dans le temps ne parle que d’aujourd’hui, l’écriture du roman c’était pendant la période me

too et post me too, les femmes paraissent faibles mais à la fin on voit que ce sont peut-être les plus fortes. 

Les religions : 

certaines voix politiques veulent faire s’affronter les différentes confessions, théorie du grand remplacement. L’auteur montre comment un pouvoir instrumentalise un fait tragique : le plus important est-il de découvrir l’assassin, ou de se servir de cet assassinat pour mener la politique que l’on veut, l’exclusion . Se questionne sur la place du religieux dans nos existences, cette place laissée vide en 50 ans. 

Pour l’auteur, quelque chose ( la religion) tenait un rôle qui n’est plus tenu par personne, et l’homme est plus inquiet qu’avant.

On manipule la vérité (Poutine) L’auteur s’intéresse au fait qu’on ne se satisfait pas d’une vérité, mais on veut réécrire l’histoire, dans un certain but.

Il pense que tout récit historique est une fiction, car l’histoire s’écrit à certains lieux, par un certain esprit, à une certaine époque.

L’histoire est sujette à une réécriture.