« Zoli» de Colum Mac Cann
Catégorie : lecture
Résumé du roman
" Zoli » est Marienka Novotna, petite fille d’une communauté tzigane musicienne de Slovaquie.A sa naissance, en 1930, son Grand-père lui attribue ce prénom de garçon « Zoli ».Elle vit dans des roulottes flamboyantes ; d’immenses harpes sont jugées sur le toit des roulottes. Les communautés nomades se rencontrent souvent et déconsidèrent ceux d’entre eux qui se sédentarisent.
Plus tard, « Zoli » sera son nom célèbre de poétesse.
Elle a 6 ans quand elle voit toute sa famille disparaitre tragiquement à la suite des traques de la police paramilitaire slovaque (la Hlinka).La même qui collabora avec la gestapo pendant la seconde guerre mondiale.
Respectueuse du mode de vie et des coutumes de sa communauté, Zoli parcourt les routes, de village en village, avec un Grand père qui souhaite la voir apprendre à lire et écrire malgré les oppositions auxquelles ils se heurtent (difficultés d’accès à l’école et oppositions de la communauté tzigane de tradition orale).
Très tôt, Zoli découvre son appétence pour les mots, les récits et chants improvisés. Elle enchante les soirées festives des « kumpania » (rassemblement de roulottes).
Entre 1940 et 1945 elle échappe à la traque des nazis et à l’internement dans les camps d’extermination en vivant cachée dans les forêts, souffrant de froid et de faim.
Après la deuxième guerre mondiale, le pouvoir communiste en place porte les espoirs (qui seront déçus) de la communauté tzigane.Zoli connait une période de reconnaissance publique qui prendra fin avec la politique de répression du pouvoir en place voulant sédentariser les « gens du voyage ».
Accusée de collaboration avec les « gadzé » (étrangers/non-rom) et d’avoir trahi la cause Rom, sa communauté va l’exclure. Qualifiée de « impure » Elle est condamnée à un exil sans retour.
Zoli revient à Bratislava pour détruire tous ses écrits (qui seront quand même publiés). Puis elle prend « la route » à travers l’Europe centrale pour arriver en Italie ou elle trouvera accueil, apaisement et pourra construire une famille.
L’auteur
Colum Mac Cann, né à Dublin (Irlande) en 1965, a commencé à écrire des romans en 1995 ouvrant la voie à un genre littéraire aujourd’hui en plein essor : s’emparer du destin « hors norme » de personnalités singulières puis, à partir d’éléments biographiques, écrire un roman comprenant sa part d’imagination.
Avec ses 4 frères et sœurs, Colum Mac Cann grandit en Irlande auprès d’une mère au foyer et un père journaliste.Il est scolarisé dans des écoles catholiques et poursuit des études de journaliste.
Ses qualités sont rapidement reconnues, il devient rédacteur puis correspondant de journaux de réputation mondiale.
A 21 ans il part aux Etats Unis, parcourt le pays en vivant de « petits boulots », part au Japon.
Aujourd’hui il vit à New York, a écrit plusieurs romans et enseigne « l’écriture créative » dans différentes institutions ; un enseignement qui pose une question importante : l’écriture littéraire peut-elle s’apprendre ?
Trois aspects de la vie de Colum Mac Cann ne sont pas sans intérêt concernant son roman « Zoli »
• Être irlandais dans une Irlande « déchirée », dans une population dominée et réprimée.
• Être journaliste.
• Enseigner l’écriture créative qui apprend l’écriture littéraire dans des ateliers d’écriture.
Les sources et inspirations du roman
• Le roman est paru en Irlande en 2006, en France chez Belfond en 2007.
L’auteur prévient « …les lieux et événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou utilisés fictivement, et toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, des événements ou des lieux serait pure coïncidence ».
Puis dans les remerciements il reconnait « L’essai extraordinaire d’Isabel Fonseca « Enterrez-moi debout, l’odyssée des Tziganes » est à l’origine de ce roman. L’histoire de Zoli est librement adaptée de celle, réelle, de Papusza, poétesse polonaisenée en 1910 disparue en 1987 ».
• Colum Mc Cann a enquêté sur le terrain se rendant en Slovaquie et à Bratislava.
Son roman nous plonge, avec une connaissance réelle, dans des paysages forestiers, dans les villes autour de Bratislava, dans Bratislava, au bord du Danube et de ses affluents dans cette région d’Europe centrale, dans les Carpates mais surtout dans les Monts Tatras à la frontière avec la Pologne.En fuite, de la Slovaquie à l’Italie, Zoli passe plusieurs frontières.
• A New York et à Bratislava Colum Mc Cann a consulté beaucoup d’archives portant sur la connaissance de la communauté Rom. Il s’est aussi intéressé aux travaux des linguistes concernant le romani.
De 1930 à 2003 : un roman très construit
Il est composé de 7 chapitres datés de tailles différentes ; chacun d’eux porte le nom d’un pays, d’une région ou d’une ville. Chaque chapitre rapporte la parole des personnes impliquées dans cette histoire (peut-il être qualifié de roman de polyphonique ?).
1. Slovaquie 2003
Un journaliste souhaite rencontrer des personnes ayant connu Zoli. Il nous relate son entrée dans un camp Rom en Slovaquie et témoigne des conditions contemporaines difficiles de la communauté tzigane.
2. Tchécoslovaquie.
Années 1930-49
Zoli raconte à sa fille.
Les 19 années de sa vie en Slovaquie après la disparition de sa famille : l’enfance avec son Grand père parmi les Tziganes, les difficultés, les brimades, les fêtes, son mariage à 14 ans, son apprentissage de la lecture et l’écriture.
A la fin de la guerre, à 16 ans, son goût pour les mots et l’espoir de la reconnaissance des droits de son peuple.
3. Angleterre-Tchécoslovaquie. Années 1930-59
Stephen/Swan prend la parole. Venu d’Angleterre en Slovaquie pour y retrouver la mémoire de son père, il travaille en tant que traducteur dans une maison d’édition. Martin Stansky écrivain ( personnage inspiré par Jerzy Ficowski ) lui fait rencontrer Zoli.
Son récit commence en 1959 quand Zoli, à la suite de la publication de ses textes, a été exclue de sa communauté et a disparu.
4. Tchécoslovaquie-Hongrie-Autriche 1959-60
L’auteur poursuit et nous fait le récit en 3 parties des circonstances qui amènent Zoli à quitter Bratislava et la Slovaquie : le bannissement et la route ; le retour à Bratislava pour détruire ses textes écrits prêts à être publiés ; le départ définitif et la route de l’exil.
5. Slovaquie 2003
En quelques pages, le journaliste revient pour témoigner de sa « mésaventure » illustrant la misère économique, sociale, morale de la communauté tzigane en 2003.
6. Compeggio, nord de l’Italie. 2001
Zoli reprend la parole pour rendre compte des difficultés de la route de son exil dans le froid, la faim, le dénuement total, les dangers et soutiens qu’elle a rencontrés.
Elle raconte sa rencontre avec Enrico le contrebandier, sa vie heureuse en Italie avec celui qui sera le père da sa fille.
7. Paris 2003
Venue à Paris à la demande de sa fille qui a organisé des journées de rencontres et conférences sur les gens du voyage, Zoli y retrouve le journaliste et Swan. Déambulant dans la banlieue de Paris elle y fait le constat des conditions difficiles d’accueil des migrants. Le soir venu elle est prête à se joindre aux amis de sa fille pour une fête faite de musique et de chants.
Papusza, une poétesse tzigane polonaise
Bronislawa Wajs née le 17août à Lublin en Pologne, décédée le 8 février à Inowroclaw en Pologne.
Colum Mac Cann s’est inspiré de la vie de cette poétesse pour créer le personnage fictif de Zoli.
Personne ne le conteste et hormis le pays, le récit commence en Slovaquie, jusqu’en 1950 /53 leurs vies sont très semblables.
Ensuite, la fuite de Zoli a travers l’Europe, la rencontre avec son mari, sa vie en Italie, sa fille, sa venue à Paris : tout est fiction.
Ce « romanesque » est le pur produit de l’imagination de l’auteur.
Après la guerre l’écrivain polonais Jerzi Ficowski est mandaté par les autorités polonaises pour enquêter dans les milieux tziganes. Il découvre Bronislaw Wajs/Papusza, ses chants et textes poétiques.
En 1950 ses écrits sont publiés à un moment critique de l’histoire de sa communauté.
Interprétée comme voulant mettre fin au mode de vie nomade en transgressant la tradition orale de son peuple, son groupe la menace puis l’exclut.
Elle détruit plus de 300 de ses textes, plonge plusieurs mois dans la dépression.Jusqu’à sa mort, pendant plus de 30 ans, elle restera silencieuse, oubliée, sans enfant.
Depuis le début des années 1980 son œuvre est redécouverte et reconnue en Pologne.
Les textes de Papusza sont les premiers écrits dans la culture rom.
Un roman à facettes multiples qui invite à d’autres investigations
• L’histoire et la géographie de l’Europe centrale.
• Les origines d’un peuple venant de l’Inde dès le VIIème siècle ; entré en Europe par l’Albanie et la Macédoine ; présent partout dans le monde.
• Un peuple divers par ses activités mais semblable par son mode de vie, ses croyances, ses coutumes et la musique qui le rassemble.
• Un nomadisme qui inquiète et engendre des lois répressives : surveillance, sédentarisation « forcée », rejets (en France : de la mise en place en 1912 du carnet anthropométrique valable jusqu’en 1969 aux lois Besson de 1990 et 2000 et la loi NOTRé de 2015).
• De 1936 à 1945 « le samudaripen » ou « terreur noire » : un génocide reconnu tardivement et difficile à évaluer (au moins 500 000 Tziganes exterminés dans les camps de concentration, marqués par « Z » des marginaux et cas sociaux).
• Au présent, en Europe, une communauté soucieuse de ses droits, de la reconnaissance de son identité.
• Loin de la réalité, véhicule de tous les mythes et clichés : l’omniprésence du/de la tzigane dans notre imaginaire et notre culture. (Influence dans la musique classique chez Liszt Brahms Bizet …, présence dans la peinture de Caravage à Van Gogh et le Douanier Rousseau …, Carmen Esmeralda… des personnages emblématiques en littérature et en poésie, communauté chantée filmée, regain du bohême dans la mode vestimentaire la décoration les modes de vie …, importance de la musique manouche et des groupes tziganes/gypses, support publicitaire tel la Tzigane/Carmen choisie par la SEITA pour ses cigarettes…).
Bibliographie
« Enterrez-moi debout ! : l’Odyssée des tziganes » de Isabel Fonseca chez Albin Michel en 2002.
« Nous vivons cachés. Récit d’une Rommi à travers le siècle » récit/témoignage de Ceija Stojka recueillis par Sabine Macher / Edition Isabelle Sauvage en 2018.
A la fin de sa vie Ceija Stojka a peint des tableaux évoquant sa vie dans les roulottes, les arrestations par les fascites, son internement et celui de sa famille dans les camps de concentration :
« Maison Rouge » lui a consacré une exposition en 2018.
« Routes d’antan » Papusza (Bronislawa Wajs) traduction du romani par Marcel Courthiade chez L’Harmattan en 2010.
« La scolarisation des enfants tziganes et voyageurs » de Jean Pierre Liégeois, rapport de synthèse / la Découverte en 1983.
« De l’Inde à la Méditerranée, la migration des Tziganes » de Donald Kenrick, centre de recherches tziganes, CRDP de Toulouse 1994.
Les travaux de Marcel Courthiade et de Ian Hancock (s’ils sont traduit !) sur la langue rom.